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DE BAHIA BLANCA A BUENOS AYRES.

aux herbes : c’est ce que les soldats ont fait aujourd’hui, aussi assistons-nous pendant la nuit à de magnifiques conflagrations, et l’horizon s’illumine de tous côtés. On incendie la plaine, un peu pour rôtir les Indiens qui pourraient se trouver environnés par les flammes, mais principalement pour améliorer le pâturage. Dans les plaines couvertes de gazon, mais que ne fréquentent pas les grands ruminants, il semble nécessaire de détruire par le feu le superflu de la végétation, de façon à ce qu’une nouvelle récolte puisse pousser.

En cet endroit, le rancho n’a pas même de toit, il consiste tout simplement en une rangée de tiges de chardons disposées de façon à défendre un peu les hommes contre le vent. Ce rancho est situé sur les bords d’un lac fort étendu, mais fort peu profond, littéralement couvert d’oiseaux sauvages, parmi lesquels se fait remarquer le cygne à cou noir.

L’espèce de pluvier qui semble monté sur des échasses (Himantopus nigricollis) se trouve ici en bandes considérables. On a, à tort, accusé cet oiseau d’avoir peu d’élégance ; quand il circule dans l’eau peu profonde, sa résidence favorite, sa démarche est loin d’être disgracieuse. Réunis en bandes, ces oiseaux font entendre un cri qui ressemble singulièrement aux aboiements d’une meute de petits chiens en pleine chasse ; éveillé tout à coup au milieu de la nuit, il me semble pendant quelques instants entendre des aboiements. Le teru-tero (Vanellus Cayanus) est un autre oiseau qui, souvent aussi, trouble le silence de la nuit. Par son aspect et par ses habitudes il ressemble, sous bien des rapports, à nos vanneaux ; toutefois ses ailes sont armées d’éperons aigus, comme ceux que le coq commun porte aux pattes. Quand on traverse les plaines couvertes de gazon, ces oiseaux vous poursuivent constamment ; ils semblent détester l’homme, qui le leur rend bien, car rien n’est plus désagréable que leur cri aigu, toujours le même, et qui ne cesse pas de se faire entendre un seul instant. Le chasseur les exècre parce qu’ils annoncent son approche à tous les oiseaux et à tous les animaux ; peut-être rendent-ils quelques services au voyageur ; car, comme dit Molina, ils lui annoncent l’approche du voleur de grand chemin. Pendant la saison des amours, ils feignent d’être blessés et de pouvoir à peine se sauver, afin d’entraîner loin de leur nid les chiens et tous leurs autres ennemis. Les œufs de ces oiseaux font, dit-on, un manger très-délicat.

16 septembre. — Nous gagnons la septième posta, située au pied