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RIO DE LA PLATA.

tairement écartés. Tout d’abord ces bandes immenses de Coliades me parurent être un exemple d’une de ces grandes migrations que l’on connaît pour un autre papillon, le Vanessa cardui[1] ; mais la présence d’autres insectes rendait le cas actuel plus remarquable et encore moins intelligible. Une forte brise du nord s’éleva avant le coucher du soleil, et elle dut causer la mort de milliers de ces papillons et d’autres insectes.

Dans une autre occasion, je laissais traîner un filet dans le sillage du vaisseau pour recueillir des animaux marins au large du cap Corrientes. En relevant mon filet, j’y trouvai, à ma grande surprise, un nombre considérable de scarabées, et, bien qu’en pleine mer, ils paraissaient avoir peu souffert de leur séjour dans l’eau salée. J’ai perdu quelques-uns des spécimens recueillis alors, mais ceux que j’ai conservés appartiennent aux genres : Colymbetes, Hydroporus, Hydrobius (deux espèces), Notaphus, Cynucus, Adimonia et Scarabæus. Je pensai d’abord que ces insectes avaient été jetés à la mer par le vent ; mais, en réfléchissant que, sur les huit espèces, il y avait quatre espèces aquatiques et deux autres qui l’étaient en partie, il me parut plus probable que ces insectes avaient été entraînés par un petit torrent qui, après avoir drainé un petit lac, se jette dans la mer, auprès du cap Corrientes. Dans tous les cas, il est fort intéressant de trouver des insectes vivants, nageant en pleine mer, à 17 milles (27 kilomètres) de la côte la plus proche. On a remarqué plusieurs fois que des insectes ont été enlevés par le vent sur la côte de la Patagonie. Le capitaine Cook a observé ce fait et, plus récemment, le capitaine King l’a remarqué à son tour à bord de l’Adventure. Ce fait provient probablement de ce que ce pays est dépourvu de tout abri, arbres ou collines ; aussi comprend-on facilement qu’un insecte voltigeant dans la plaine soit enlevé par un coup de vent qui souffle vers la mer. Le cas le plus remarquable d’un insecte capturé en mer que j’aie été à même d’observer moi-même se présenta sur le Beagle ; alors que nous nous trouvions au vent des îles du Cap-Vert et que la terre la plus proche, non exposée à l’action directe des vents alizés, était le cap Blanco, sur la côte d’Afrique, à 370 milles (595 kilomètres) de distance, une grosse sauterelle (Acrydium) vint tomber à bord[2].

  1. Lyell, Principles of Geology, vol. III, p. 63.
  2. On cesse bientôt de voir les mouches qui accompagnent un bâtiment pendant quelques jours, quand il passe d’un port à un autre.