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TOMBEAU INDIEN.

que par la fonte des neiges dans la Cordillère. À l’endroit où nous avions établi notre bivouac, nous étions entourés par de hautes falaises et d’immenses rochers de porphyre. Je ne crois pas avoir jamais vu endroit qui semblât plus isolé du reste du monde que cette crevasse de rochers au milieu de cette immense plaine.

Le lendemain de notre retour à bord du Beagle, j’allai, avec quelques officiers, fouiller un antique tombeau indien que j’avais découvert au sommet d’une colline voisine. Deux immenses blocs de pierre, pesant probablement au moins 2 tonnes chacun, avaient été placés devant une saillie de rocher ayant environ 6 pieds de haut. Au fond du tombeau, sur le roc, se trouvait une couche de terre ayant environ 1 pied d’épaisseur ; on avait dû apporter cette terre de la plaine. Au-dessus de cette couche de terre, une sorte de dallage fait de pierres plates, sur lesquelles étaient empilées une grande quantité de pierres, de façon à combler l’espace compris entre le rebord du rocher et les deux grands blocs. Enfin, pour compléter le monument, les Indiens avaient détaché de la saillie du rocher un fragment considérable qui reposait sur les deux blocs. Nous fouillâmes ce tombeau sans pouvoir y trouver ni ossements, ni restes d’aucune sorte. Les ossements étaient probablement tombés depuis longtemps en poussière, auquel cas le tombeau devait être fort ancien, car j’ai trouvé dans un autre endroit des amas de pierres plus petits au-dessous desquels j’ai découvert quelques fragments d’ossements qu’on pouvait encore reconnaître pour avoir appartenu à un homme. Falconer relate que l’on enterre un Indien là où il vient à mourir ; mais que, plus tard, ses parents recueillent ses ossements avec soin pour aller les déposer près du bord de la mer, quelle que soit pour cela la distance à parcourir. On peut, je crois, comprendre cette coutume, si l’on se souvient qu’avant l’introduction des chevaux ces Indiens devaient mener à peu près le même genre de vie que les habitants actuels de la Terre de Feu et, par conséquent, habiter ordinairement le bord de la mer. Le préjugé ordinaire, qui veut que l’on aille reposer là où reposent ses ancêtres, fait que les Indiens errants apportent encore les parties les moins périssables de leurs morts dans leurs anciens cimetières, près de la côte.

9 janvier 1834. — Le Beagle jette l’ancre avant qu’il soit nuit dans le beau et spacieux port de Saint-Julien, situé à environ 10 milles au sud de Port Désire. Nous séjournons huit jours dans ce port. Le pays ressemble beaucoup aux environs de Port Desire ;