Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/20

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de Saint-Domingo, situé presque au centre de l’île. Nous trouvons, au beau milieu d’une plaine, quelques acacias rabougris ; les vents alizés, soufflant continuellement dans la même direction, ont courbé le sommet de ces arbres de telle sorte que, quelquefois, le sommet forme un angle droit avec le tronc. La direction des branches est exactement nord-est par nord, et sud-ouest par sud ; ces girouettes naturelles doivent indiquer la direction dominante des vents. Le passage des voyageurs laisse si peu de traces sur ce sol aride, que là nous nous égarons et, pensant aller à San-Domingo, nous nous dirigeons sur Fuentes. Nous ne nous apercevons de notre erreur qu’après notre arrivée à Fuentes, fort heureux d’ailleurs de nous être trompés. Fuentes est un joli village bâti sur le bord d’un petit ruisseau ; là tout paraît prospérer, à l’exception toutefois de ce qui devrait prospérer le plus, les habitants. Nous rencontrons de nombreux enfants noirs, complètement nus et paraissant fort misérables ; ils portaient des paquets de bois à brûler presque aussi gros qu’eux.

Nous voyons auprès de Fuentes une bande considérable de pintades, il y en avait au moins cinquante ou soixante ; ces oiseaux, extrêmement sauvages, ne se laissent pas approcher. Dès qu’ils nous aperçoivent, ils prennent la fuite, tout comme le font les perdrix les jours pluvieux de septembre, en courant la tête renversée en arrière. Si on les poursuit, les pintades s’envolent immédiatement.

Le paysage qui entoure San-Domingo possède une beauté à laquelle on est loin de s’attendre quand on considère le caractère triste et sombre du reste de l’île. Ce village est situé au fond d’une vallée environnée de hautes murailles déchiquetées de laves stratifiées. Ces rochers noirs forment un contraste frappant avec le vert splendide de la végétation qui borde un petit ruisseau d’eau très-claire. Nous arrivons par hasard un jour de grande fête, et le village est encombré de monde. En revenant, nous rejoignons une troupe composée d’environ une vingtaine de jeunes négresses habillées avec beaucoup de goût ; des turbans et de grands châles aux couleurs voyantes font ressortir leur peau noire et leur linge, aussi blanc que la neige. Dès que nous nous approchons d’elles, elles se retournent, jettent leurs châles à terre et se mettent à chanter avec beaucoup d’énergie une chanson sauvage tout en marquant la mesure en se frappant les jambes avec les mains. Nous leur jetons quelques vintéms, qu’elles reçoivent en