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LES ILES FALKLAND.

Gaucho a raconté au capitaine Sulivan qu’il avait observé un étalon pendant une heure entière ; ce cheval frappait violemment et mordait une jument jusqu’à ce qu’enfin il l’ait forcée à abandonner son jeune poulain. Le capitaine Sulivan m’a dit que ce fait doit être vrai, car il a trouvé bien des poulains morts abandonnés, alors qu’il n’a jamais trouvé un veau mort. En outre, on trouve bien plus fréquemment des cadavres de chevaux que des cadavres de bestiaux, ce qui semblerait indiquer que les premiers sont bien plus sujets aux maladies et aux accidents. La grande humidité du sol cause souvent un développement extraordinaire et fort irrégulier des sabots des chevaux, aussi y en a-t-il beaucoup de boiteux. Presque tous ont une robe rouan ou gris de fer. Tous les chevaux élevés dans l’île, domptés ou sauvages, ont une taille assez petite, quoiqu’ils soient bien conformés ; mais ils sont si faibles, qu’on ne peut s’en servir pour chasser les bestiaux avec le lasso ; aussi est-on obligé d’importer à grands frais des chevaux de la Plata. Il est probable que, dans un avenir plus ou moins éloigné, l’hémisphère méridional possédera ses poneys de Falkland, comme l’hémisphère septentrional possède ses poneys de Shetland.

Au lieu d’avoir dégénéré comme les chevaux, les bestiaux, comme je l’ai déjà fait remarquer, semblent avoir grandi ; ils sont aussi bien plus nombreux que les chevaux. Le capitaine Sulivan m’apprend qu’on remarque chez ces races, dans la forme générale du corps et dans celle des cornes, beaucoup moins de variétés que chez les races anglaises. Leurs couleurs sont très-variées, et, fait remarquable, différentes couleurs semblent prédominer dans différentes parties de cette petite île. Dans les environs du mont Usborne, à une élévation de 1000 à 1500 pieds au-dessus du niveau de la mer, la moitié à peu près des individus qui composent un troupeau ont une robe couleur souris ou gris de plomb, teinte qui est loin d’être commune dans les autres parties de l’île. Auprès du port Pleasant, le brun foncé prédomine, tandis qu’au sud du détroit de Choiseul, qui divise presque l’île en deux parties, presque tous les bestiaux ont la tête et les pieds noirs ; dans toutes les parties de l’île, en outre, on rencontre des animaux noirs ou tachetés ; le capitaine Sulivan m’a fait remarquer que la différence de couleur est si évidente, que, si on observe d’une grande distance les troupeaux qui fréquentent les environs du Port Pleasant, on dirait une foule de points noirs, tandis qu’on croit voir une foule de points blancs au sud du détroit de Choiseul. Le capitaine Sulivan pense