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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/229

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ZOOLOGIE.

permis de m’assurer que le fond est presque plat ou qu’il ne s’élève de chaque côté qu’en pente très-douce. Ainsi les fragments paraissent provenir de la partie la plus élevée de la vallée, mais il semble plus probable qu’ils proviennent des pentes les plus rapprochées et que depuis lors un mouvement vibratoire ayant une énergie colossale les a étendus en une couche ayant partout le même niveau[1]. Si, pendant le tremblement de terre[2] qui, en 1835, renversa la ville de Concepcion, au Chili, on s’étonna que de petits corps aient été enlevés à quelques pouces au-dessus de la terre, que dire d’un mouvement qui a soulevé des fragments pesant plusieurs tonnes et qui les a poussés çà et là, comme du sable sur une table d’harmonie, pour retrouver leur niveau ? J’ai vu, dans la Cordillère des Andes, les preuves évidentes que des montagnes énormes ont été brisées en mille morceaux, comme on peut briser une croûte de pain, et que les différentes couches qui les composaient, d’horizontales qu’elles étaient, sont devenues verticales ; mais jamais, autant que ces torrents de pierres, scène n’a présenté à mon esprit l’idée d’une convulsion telle que nous en chercherions vainement trace dans les annales historiques. Quoi qu’il en soit, le progrès de la science permettra sans doute de donner bientôt de ces phénomènes une explication aussi simple que celle qu’on a pu donner du transport, qu’on a cru si longtemps inexplicable, des blocs semés dans les plaines de l’Europe.


Il y a peu de remarques à faire sur la zoologie de ces îles. J’ai déjà décrit le vautour ou Polyborus. On y trouve, en outre, des faucons, des hiboux et quelques petits oiseaux terrestres. Il y a un grand nombre d’oiseaux aquatiques, et anciennement, s’il faut en croire les récits des vieux navigateurs, ils devaient être bien plus nombreux encore. J’observai un jour un cormoran qui jouait avec un poisson qu’il avait pris. Huit fois successivement l’oiseau lâcha sa proie, puis plongea après le malheureux

  1. « Nous n’avons pas été moins saisis d’étonnement à la vue de l’innombrable quantité de pierres de toutes grandeurs, bouleversées les unes sur les autres, et cependant rangées comme si elles avaient été amoncelées négligemment pour remplir des ravins. On ne se lassait pas d’admirer les effets prodigieux de la nature. » Pernety, p. 526.
  2. Un habitant de Mendoza, par conséquent bien capable de juger, m’a assuré qu’il résidait dans ces îles depuis plusieurs années et qu’il n’y avait jamais ressenti la moindre secousse de tremblement de terre.