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HABITUDES D’UN POULPE.

de lave les plus récentes ; elles forment en effet des lignes de dunes moins élevées, mais qui s’avancent beaucoup plus loin que les laves anciennes ; la hauteur relative des dunes indique donc, en quelque sorte, l’antiquité des laves.

J’observai, pendant mon séjour, les habitudes de quelques animaux marins. Un des plus communs est une grande aplysie. Cette limace de mer a environ 5 pouces de long ; elle est de couleur jaune sale, veiné de pourpre. De chaque côté de la surface inférieure ou du pied, cet animal porte une large membrane qui paraît jouer quelquefois le rôle de ventilateur et qui fait passer un courant d’eau sur les branchies dorsales ou les poumons. Cette limace se nourrit des herbes marines délicates qui poussent au milieu des pierres partout où l’eau est boueuse et peu profonde. J’ai trouvé dans son estomac plusieurs petits cailloux, comme on en trouve parfois dans le gésier d’un oiseau. Quand on dérange cette limace, elle émet une liqueur d’un rouge-pourpre fort brillant qui teint l’eau l’espace d’un pied environ tout autour d’elle. Outre ce moyen de défense, le corps de cet animal est recouvert d’une sorte de sécrétion acide qui, placée sur la peau, produit une sensation de brûlure semblable à celle que produit la physalie ou frégate.

Un Octopus ou poulpe m’a aussi beaucoup intéressé, et j’ai passé de longues heures à étudier ses habitudes. Bien que communs dans les flaques que laisse la marée en se retirant, ces animaux ne s’attrapent pas facilement. Au moyen de leurs longs bras et de leurs suçoirs, ils parviennent à se fourrer dans des crevasses fort étroites et, une fois là, il faut employer une grande force pour les en faire sortir. D’autres fois, ils s’élancent, la queue en avant, avec la rapidité d’une flèche, d’un côté à l’autre de la flaque et colorent en même temps l’eau en répandant autour d’eux une sorte d’encre marron foncé. Ces animaux ont aussi la faculté très-extraordinaire de changer de couleur pour échapper aux regards. Ils semblent varier les teintes de leur corps selon la nature du terrain sur lequel ils passent ; quand ils se trouvent dans un endroit où l’eau est profonde, ils revêtent ordinairement une teinte pourpre brunâtre ; mais, quand on les place sur la terre ou dans un endroit où l’eau est peu profonde, cette teinte foncée disparaît pour faire place à une teinte vert jaunâtre. Si on examine plus attentivement la couleur de ces animaux, on voit qu’ils sont gris et recouverts de nombreuses taches jaune vif ; quelques-unes de ces taches varient en intensité, les autres apparaissent et disparaissent conti- <footer>

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