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LES GUASOS.

2 ou 3 francs. Le Gaucho est un gentleman, tout en étant peut-être un assassin ; le Guaso, préférable sous quelques rapports, n’est jamais qu’un homme ordinaire et vulgaire. Bien que ces deux classes d’hommes aient à peu près les mêmes occupations, leurs habitudes et leur costume diffèrent ; les particularités qui les distinguent sont, en outre, universelles dans les deux pays respectifs. Le Gaucho semble ne faire qu’un avec son cheval, il rougirait de s’occuper de quoi que ce soit, sauf quand il est sur le dos de sa monture ; on peut louer le Guaso pour le faire travailler aux champs. Le premier se nourrit exclusivement de viande ; le second, presque entièrement de légumes. On ne retrouve plus ici les bottes blanches, les pantalons larges, la chilipa écarlate, qui constituent le pittoresque costume des Pampas ; au Chili, on porte des jambières de laine verte ou noire pour protéger les pantalons ordinaires. Cependant le poncho est commun aux deux pays. Le Guaso met tout son orgueil dans ses éperons, qui sont ridiculement grands. J’ai eu occasion de voir des éperons dont la molette avait 6 pouces de diamètre et était armée de trente pointes. Les étriers atteignent les mêmes proportions, chacun d’eux consiste en un bloc de bois carré, évidé et sculpté, qui pèse au moins 3 ou 4 livres. Le Guaso se sert du laço, mieux encore peut-être que le Gaucho, mais la nature de son pays est telle qu’il ne connaît pas les bolas.

18 août. — En descendant la montagne, nous traversons quelques endroits charmants où se trouvent des ruisseaux et des arbres magnifiques. Je passe la nuit à l’hacienda où j’ai déjà couché, puis, pendant deux jours, je remonte la vallée ; je traverse Quillota, qui est une succession de vergers plutôt qu’une ville. Ces vergers sont admirables ; partout des pêchers en fleur. Je vois aussi des dattiers dans un ou deux endroits ; ce sont des arbres magnifiques et dont l’effet doit être superbe quand on les voit par groupes dans les déserts de l’Asie ou de l’Afrique. Je traverse San Felipe, jolie petite ville qui ressemble à Quillota. La vallée forme ici une de ces grandes baies ou plaines qui s’étendent jusqu’au pied même de la Cordillère ; j’ai déjà parlé de ces plaines comme de l’un des traits caractéristiques du paysage du Chili. Nous arrivons le soir aux mines de Jajuel, situées dans un ravin, sur le flanc de la grande chaîne. J’y séjourne cinq jours. Mon hôte, surveillant de la mine, est un mineur de la Cornouailles fort rusé, mais fort ignorant. Il a épousé une Espagnole et n’a pas l’intention de revenir en Angleterre ; il n’en admire pas moins par-dessus tout les mines de son