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CHILOÉ.

un tremblement de terre qui se fit sentir dans un rayon de 1 000 milles, avait lieu six heures après. Cette coïncidence est d’autant plus remarquable que, depuis vingt-six ans, le Coseguina n’avait donné aucun signe d’activité, et qu’une éruption de l’Aconcagua est chose fort rare. Il est difficile de s’aventurer même à conjecturer si cette coïncidence est accidentelle ou s’il faut y voir la preuve de quelque communication souterraine. On ne manquerait pas de remarquer comme une coïncidence remarquable que le Vésuve, l’Etna et l’Hécla en Islande (qui sont relativement plus près les uns des autres que les volcans de l’Amérique du Sud dont je viens de parler) eussent une éruption pendant la même nuit ; mais c’est un fait encore plus remarquable dans l’Amérique du Sud, où les trois volcans font partie de la même chaîne de montagnes, où les vastes plaines qui bordent la côte orientale tout entière et où les coquillages récents, soulevés sur une longueur de plus de 2 000 milles (3 220 kilomètres) sur la côte occidentale, prouvent avec quelle égalité les forces élévatoires ont agi.

Le capitaine Fitz-Roy désirant avoir des données exactes sur quelques points de la côte occidentale de Chiloé, il est convenu que je me rendrai à Castro avec M. King et que de là nous traverserons l’île pour aller à la Capella de Cucao, située sur la côte occidentale. Nous nous procurons un guide et des chevaux et nous nous mettons en route le 22 au matin. À peine étions-nous partis, qu’une femme et deux enfants, faisant le même voyage, nous rejoignent. Dans ce pays, le seul à peu près de l’Amérique du Sud où l’on puisse voyager sans avoir besoin de porter des armes, on fait vite connaissance. Tout d’abord, collines et vallées se succèdent sans interruption ; mais, à mesure que nous approchons de Castro, le pays devient plus plat. La route en elle-même est fort curieuse ; elle consiste dans toute sa longueur, à l’exception de quelques parties bien espacées, en gros morceaux de bois, les uns fort larges et placés longitudinalement, les autres fort étroits et placés transversalement. En été, cette route n’est pas trop mauvaise ; mais en hiver, quand la pluie a rendu le bois glissant, voyager devient chose fort difficile. À cette époque de l’année règne un marécage des deux côtés de la route, qui souvent est elle-même recouverte par les eaux ; on est donc obligé de consolider les poutres longitudinales en les attachant à des poteaux enfoncés dans le sol de chaque côté de la route. Une chute de cheval devient donc chose fort dangereuse, car on risque fort de tomber