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GRANDE VAGUE.

collines derrière la ville. D’autre part, des marins s’empressèrent de monter en canot et de faire force de rames vers la vague, espérant la surmonter s’ils arrivaient à elle avant qu’elle se brisât, ce à quoi ils réussirent ; une vieille femme, de son côté, monta en canot avec un petit garçon de quatre ou cinq ans ; mais, n’ayant personne pour ramer, elle resta près du quai ; le bateau fut jeté contre une ancre et coupé en deux, la vieille femme se noya et, quelques heures après, on retrouva au milieu des débris le gamin qui avait échappé sain et sauf. Au moment de notre visite, on voyait encore, au milieu des ruines, des étangs d’eau salée ; des enfants, se faisant des bateaux avec des tables ou des chaises, s’amusaient à voguer et paraissaient aussi joyeux que leurs parents étaient misérables. Mais j’avoue avoir vu, avec une grande satisfaction, que tous les habitants paraissaient plus actifs et plus heureux qu’on n’aurait pu s’y attendre après une aussi terrible catastrophe. On a remarqué, avec quelque degré de vérité, que, la destruction étant universelle, personne ne se trouvait plus humilié que son voisin, personne ne pouvait accuser ses amis de froideur, deux causes qui ajoutent toujours une vive douleur à la perte de la richesse. M. Rouse et un grand nombre de gens qu’il eut la bonté de prendre sous sa protection, passèrent la première semaine dans un jardin, campés sous des pommiers. Tout d’abord on fut aussi joyeux que pendant une partie de plaisir, mais il survint de fortes pluies qui firent beaucoup souffrir ces malheureux sans asile.

Le capitaine Fitz-Roy constate, dans son excellente relation de ce tremblement de terre, qu’on vit dans la baie deux éruptions : l’une ressemblant à une colonne de fumée, l’autre ressemblant au jet d’eau d’une immense baleine. Partout aussi l’eau semblait en ébullition, elle devint noire et laissa échapper des vapeurs sulfureuses fort désagréables. On observa également ces derniers phénomènes pendant le tremblement de terre de 1822. dans la baie de Valparaiso. On peut les expliquer par l’agitation de la boue qui forme le fond de la mer, boue qui contient des matières organiques en décomposition. J’ai remarqué, pendant un jour fort calme, dans la baie de Callao, que le câble du vaisseau, en frottant sur le fond, produisait une ligne de bulles de gaz. Les classes inférieures, à Talcahuano, étaient persuadées que le tremblement de terre provenait de ce que des vieilles femmes indiennes, qui avaient subi quelque outrage deux ans auparavant, avaient fermé le volcan de