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ILE ALBEMARLE.

cependant on compte que deux jours de chasse doivent procurer des aliments pour le reste de la semaine. On dit qu’autrefois de simples bâtiments ont emporté d’un coup jusqu’à sept cents tortues, et que l’équipage d’une frégate en apporta en un seul jour deux cents à la côte.

29 septembre. — Nous doublons l’extrémité sud-ouest de l’île Albemarle ; le lendemain le calme nous prend entre cette île et l’île Narborough. Ces deux îles sont recouvertes d’une quantité formidable de lave noire qui a déboulé au-dessus des immenses cratères, comme la poix déborde au-dessus du vase dans lequel on la fait bouillir, ou qui s’est échappée des petits orifices placés sur les flancs des cratères. Dans leur descente, ces laves ont recouvert une grande partie de la côte. On sait que des éruptions ont eu lieu dans ces deux îles ; nous avons vu dans l’île Albemarle un petit jet de fumée s’échapper du sommet de l’un des grands cratères. Le soir nous jetons l’ancre dans la baie de Bank sur les côtes de l’île Albemarle. Le lendemain matin je me rends à terre. Au sud du cratère en tuf tout brisé dans lequel le Beagle a jeté l’ancre, se trouve un autre cratère de forme elliptique et parfaitement symétrique ; son axe le plus long a un peu moins de 1 mille ; il a environ 300 pieds de profondeur. Au fond se trouve un lac au milieu duquel un tout petit cratère a formé un îlot. Il faisait horriblement chaud ; le lac à l’eau transparente et bleue m’attira insensiblement ; je me précipitai sur les cendres qui recouvrent les bords, et, à moitié étouffé par la poussière, je me hâtai de goûter l’eau ; malheureusement elle était horriblement salée.

Des lézards noirs ayant 3 ou 4 pieds de longueur abondent sur les rochers de la côte ; sur les collines on trouve, en aussi grande quantité, une autre espèce fort laide, de couleur brune-jaunâtre. Nous en avons vu beaucoup appartenant à cette dernière espèce ; les uns s’éloignent quand ils nous voient, les autres vont se cacher dans leur trou ; mais je décrirai tout à l’heure en détail les habitudes de ces deux reptiles. Toute cette partie septentrionale de l’île Albemarle est horriblement stérile.

8 octobre. — Nous arrivons à l’île James ; cette île aussi bien que l’île Charles a reçu ce nom en l’honneur des Stuarts. Je reste dans cette île pendant huit jours avec M. Binoe et nos domestiques ; on nous a laissé des provisions et une tente, et le Beagle s’est éloigné pour aller faire de l’eau. Nous trouvons dans l’île une troupe d’Espagnols qu’on avait envoyés de l’île Charles pour sécher des poissons