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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/426

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ARCHIPEL DES GALAPAGOS.

gène aux îles Galapagos. L’absence de la famille des grenouilles dans les îles océaniques est d’autant plus remarquable que les lézards se trouvent en quantité considérable sur la plupart des plus petites îles. Cette différence ne proviendrait-elle pas de la facilité plus grande avec laquelle les œufs des lézards, protégés par des coquilles calcaires, peuvent être transportés à travers l’eau salée, alors que le frai des grenouilles se perdrait certainement ?

Je commencerai par décrire les habitudes de la tortue (Testudo nigra, anciennement appelée indica) à laquelle j’ai si souvent fait allusion. On trouve, je crois, ces animaux dans toutes les îles de l’archipel, mais très-certainement, dans le plus grand nombre. Ils semblent préférer les parties élevées et humides, mais on les trouve aussi dans les parties basses et arides. Le nombre de tortues capturées en un seul jour prouve combien elles sont nombreuses. Quelques-unes atteignent une taille considérable ; M. Lawson, un Anglais, vice-gouverneur de la colonie, m’a dit avoir vu des tortues si grosses, qu’il fallait six ou huit hommes pour les soulever de terre et que quelques-unes fournissent jusqu’à 200 livres de viande. Les vieux mâles sont les plus gros, les femelles atteignent rarement une taille aussi extraordinaire ; on distingue facilement le mâle de la femelle en ce qu’il a la queue plus longue. Les tortues qui habitent les îles où il n’y a pas d’eau, ou les parties basses et arides des autres îles, se nourrissent principalement de cactus. Celles qui fréquentent les régions élevées et humides mangent les feuilles de divers arbres ; elles mangent aussi une sorte de baie acide et désagréable appelée guayavita et un lichen filamenteux vert pâle (Usnera plicata) qui pend en tresses aux branches des arbres.

La tortue aime beaucoup l’eau, elle en boit des quantités considérables et elle se vautre dans la boue. Les îles un peu grandes de ce groupe possèdent seules des sources, qui sont toujours situées dans la partie centrale et à une altitude considérable. Les tortues qui habitent les régions basses sont donc obligées, quand elles ont soif, de faire de longs trajets. À force de passer par le même chemin, elles ont tracé de véritables routes qui rayonnent dans toutes les directions depuis les sources jusqu’à la côte ; c’est en suivant ces sentiers que les Espagnols ont pu découvrir les sources. Quand je débarquai à l’île Chatham, je me demandai avec étonnement quel était l’animal qui suivait si méthodiquement les sentiers tracés dans la direction la plus courte. Il est fort curieux de voir auprès des