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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/438

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ARCHIPEL DES GALAPAGOS.

par le nombre et par l’espèce de ceux du continent, et réagissant par conséquent l’un sur l’autre de façon différente, aient été créés sur le type américain ? Il est probable que les îles du Cap-Vert ressemblent par toutes leurs conditions physiques aux îles Galapagos beaucoup plus que ces dernières ne ressemblent physiquement à la côte de l’Amérique ; cependant les habitants indigènes des deux groupes sont absolument dissemblables ; ceux des îles du Cap-Vert portent la marque de l’Afrique, de même que ceux de l’archipel des Galapagos portent celle de l’Amérique.

Je n’ai pas encore parlé du caractère de beaucoup le plus remarquable de l’histoire naturelle de cet archipel, c’est-à-dire que les différentes îles sont, dans une grande mesure, habitées par des animaux ayant un caractère différent. C’est le vice-gouverneur, M. Lawson, qui a appelé mon attention sur ce fait ; il m’a affirmé que les tortues différaient sur les différentes îles et qu’il pouvait dire avec certitude de quelle île provenait telle tortue qu’on lui apportait. Malheureusement je négligeai trop cette affirmation dans le principe et je mélangeai les collections provenant de deux des îles. Je n’aurais jamais pu m’imaginer que des îles situées à environ 50 ou 60 milles de distance, presque toutes en vue les unes des autres, formées exactement des mêmes rochers, situées sous un climat absolument semblable, s’élevant presque toutes à la même hauteur, aient eu des animaux différents ; mais nous verrons bientôt que ce fait est exact. Il arrive malheureusement à la plupart des voyageurs qu’ils sont obligés de s’éloigner dès qu’ils ont découvert ce qu’il y a de plus intéressant dans une localité ; j’ai été assez heureux toutefois pour me procurer des matériaux en quantité suffisante pour établir ce fait extrêmement remarquable de la distribution des animaux.

Les habitants, comme je l’ai dit, affirment qu’ils peuvent reconnaître les unes des autres les tortues provenant des différentes îles ; ils affirment, en outre, que ces tortues ne sont pas de la même grosseur et qu’elles possèdent des caractères distincts. Le capitaine Porter a décrit[1] les tortues provenant de l’île Charles et de l’île Hood, située tout à côté de la première ; leur carapace, selon lui, est épaisse par devant et affecte un peu la forme d’une selle espagnole ; les tortues de l’île James, au contraire, sont plus rondes,

  1. Voyage in the U. S. ship Essex, vol. I, p. 215.