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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/468

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NOUVELLE-ZÉLANDE.

que celle du visage de cet homme. Cependant il me semblait avoir vu son portrait quelque part ; on le trouvera dans les dessins que Retzch a faits pour illustrer la ballade de Fridolin par Schiller, où deux hommes poussent Robert dans la fournaise : c’est celui qui pose son bras sur la poitrine de Robert. J’avais d’ailleurs sous les yeux un parfait exemple de physionomie ; ce chef était un fameux assassin et en même temps la lâcheté personnifiée. Quand nous débarquâmes, M. Bushby m’accompagna pendant quelques centaines de mètres pour me montrer la route. Je ne pus m’empêcher d’admirer l’impudence du vieux coquin, que nous avions laissé dans le bateau, quand il cria à M. Bushby ; « Ne soyez pas longtemps, car je m’ennuie à vous attendre ici. »

La route que nous suivons est un sentier bien battu, bordé de chaque côté par de hautes fougères, semblables à celles qui couvrent tout le pays. Au bout de quelques milles nous atteignons un petit village, composé de quelques huttes entourées de champs de pommes de terre. L’introduction de la pomme de terre à la Nouvelle-Zélande a été un bienfait pour cette île. Elle est maintenant beaucoup plus cultivée que n’importe quel légume indigène. La Nouvelle-Zélande présente un immense avantage naturel, c’est que les habitants n’y peuvent pas mourir de faim. Le pays tout entier, je l’ai déjà dit, est couvert de fougères ; or, si les racines de cette plante ne constituent pas un aliment très-agréable, elles contiennent tout au moins beaucoup de principes nutritifs. Un indigène est sûr de ne pas mourir de faim en se nourrissant de ces racines et des coquillages extrêmement abondants sur toutes les parties de la côte. On remarque tout d’abord dans les villages les plates-formes élevées sur quatre pieux à 10 ou 12 pieds au-dessus du sol ; on y place les récoltes pour les mettre à l’abri de toute espèce d’accident.

Nous nous approchons d’une des huttes et je vois alors un spectacle qui m’amuse beaucoup, c’est la cérémonie du frottement des nez. Dès que les femmes nous voient approcher, elles commencent à psalmodier sur le ton le plus mélancolique, puis elles s’assoient sur leurs talons le visage tourné en l’air. Mon compagnon s’approche successivement de chacune d’elles, place son nez à angle droit avec le leur et appuie assez fortement. Cela dure un peu plus longtemps que notre cordiale poignée de main ; et, de même que nous serrons la main de nos amis plus ou moins fort, de même ils appuient plus ou moins fortement. Pendant toute la cérémonie ils poussent de petits grognements de plaisir qui ressemblent beau-