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CLIMAT.

pas de visiter les indigènes les plus hostiles, ils se rendirent tous. On les transporta alors dans une île où on leur fournit des vêtements et des aliments. Le comte Strzelecki constate qu’« à l’époque de leur déportation en 1835, il restait encore 210 indigènes ; en 1842, il n’y en avait plus que 34. Ainsi, tandis que toutes les familles de l’intérieur de la Nouvelle-Galles du Sud, indigènes préservés du contact des blancs, ont des enfants en quantité considérable, les indigènes transportés sur l’île Flinders n’ont eu que quatorze enfants, pendant une période de huit ans[1] ! »

Le Beagle doit rester dix jours à Hobart Town ; je profite de ce séjour pour faire plusieurs excursions intéressantes dans le voisinage, principalement dans le but d’étudier la conformation géologique de l’île. Un point attire tout d’abord mon attention : ce sont des couches contenant beaucoup de fossiles appartenant à la période devonienne ou carbonifère ; je trouve la preuve d’un petit soulèvement du sol à une date récente, et enfin je découvre une couche solitaire et superficielle de craie jaunâtre ou de travertin, qui contient de nombreuses impressions de feuilles d’arbre et de coquillages terrestres qui n’existent plus aujourd’hui. Il est assez probable que cette petite carrière est tout ce qui reste de la végétation de la terre de Van-Diémen à une époque éloignée.

Le climat est plus humide que celui de la Nouvelle-Galles du Sud, aussi le sol est-il plus fertile. L’agriculture est très-florissante, les champs cultivés ont un bel aspect et les jardins sont pleins de légumes et d’arbres fruitiers. J’ai vu quelques fermes charmantes situées dans des endroits retirés. L’aspect général de la végétation ressemble à celui de l’Australie ; peut-être les arbres sont-ils d’un vert un peu plus gai et les pâturages plus abondants. Je vais une fois faire une longue promenade sur la côte de la baie en face de la ville ; je traverse la baie dans un bateau à vapeur dont les machines ont été entièrement construites dans la colonie ; or il y a à peine trente-trois ans que les Anglais se sont établis ici ! Un autre jour, je fais l’ascension du mont Wellington en compagnie de quelques officiers ; nous avions pris un guide, car les forêts sont si épaisses, qu’ayant voulu aller seul je m’étais perdu. Malheureusement notre guide est un niais qui nous fait prendre par le versant méridional de la montagne, versant le plus humide, où la végétation est plus active et où, par conséquent, la difficulté de

  1. Physical Description of New South Wales and Van Diemen’s Land, p. 354.