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DÉTROIT DU ROI-GEORGES.

l’ascension est beaucoup plus considérable, grâce aux troncs d’arbres pourris qui sont là en presque aussi grand nombre qu’à la Terre de Feu ou à Chiloé. Il nous faut cinq heures et demie d’un véritable travail avant d’atteindre le sommet. Dans bien des endroits, les Eucalyptus atteignent une grosseur considérable et forment une magnifique forêt. Dans quelques ravins humides on trouve de magnifiques fougères arborescentes, j’en ai vu une qui avait au moins 20 pieds de haut et 6 pieds de grosseur. Les branchages forment des parasols fort élégants, qui répandent une ombre si épaisse, qu’on peut la comparer au crépuscule. Le sommet de la montagne, large et plat, est composé d’immenses masses angulaires de grès. On se trouve alors à 3 100 pieds au-dessus du niveau de la mer. Le temps était splendide et la vue admirable ; au nord, le pays se présente sous forme d’une masse de montagnes boisées ayant à peu près la même hauteur que celle sur laquelle nous nous trouvons et affectant les mêmes formes ; au sud, le pays est découpé en baies nombreuses. Nous restons quelques heures au sommet de la montagne, puis nous redescendons par une route plus facile, mais il n’en est pas moins huit heures du soir quand nous arrivons au Beagle.

7 février. — Le Beagle quitte la Tasmanie et, le 6 mars, nous arrivons au détroit du Roi-Georges, situé au sud-ouest de l’Australie. Nous y restons huit jours, les plus désagréables de tout notre voyage. Le pays, vu du sommet d’une colline, n’est qu’une immense plaine boisée ; çà et là quelques collines de granit absolument nues. Un jour nous faisons une longue excursion dans l’espoir de chasser les kangourous. Partout le sol est sablonneux, stérile, il n’y pousse que des broussailles, des graminées grossières ou des arbres rabougris ; on se serait cru sur le haut plateau de grès des montagnes Bleues ; on trouve cependant ici en assez grande quantité le Casuarina, arbre qui ressemble quelque peu au pin écossais ; l’Eucalyptus se rencontre plus rarement. Dans les parties ouvertes, on voit beaucoup de graminées arborescentes, plantes qui ressemblent un peu aux palmiers, mais qui, au lieu d’être surmontées par une couronne de belles feuilles, ne portent à leur sommet qu’une touffe de filaments grossiers. Vue à une certaine distance, la belle couleur verte des broussailles semble indiquer une grande fertilité, mais une seule promenade suffit pour dissiper cette illusion.

J’accompagne le capitaine Fitz-Roy au cap Bald Head, cap