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DANSE INDIGÈNE.

dont ont parlé tant de navigateurs ; les uns s’imaginaient y voir des coraux, les autres des arbres, pétrifiés dans la position où ils ont poussé. Selon moi, les couches ont été formées par le vent qui a soulevé des particules de sable excessivement fines, composées de débris de coquillages et de coraux ; ce sable s’est accumulé sur les branches et sur les racines des arbres, ainsi que sur beaucoup de coquillages terrestres. Des infiltrations calcaires ont alors consolidé toute la masse, et les cavités cylindriques, laissées vides par la pourriture du bois, se sont trouvées remplies par des espèces de stalactites. Le temps a détruit les parties les plus molles, et, aujourd’hui, les racines et les branches, changées en pierre dure, s’élèvent au-dessus de la surface du sol, offrant tout l’aspect d’une forêt de pierres.

Pendant que nous nous trouvions au détroit du Roi-Georges, une tribu assez considérable d’indigènes, appelés les Cockatoos blancs, vint nous visiter ; nous offrons à ces indigènes, aussi bien qu’à ceux qui demeurent dans le voisinage, quelques paquets de riz et de sucre et nous leur demandons de nous donner le spectacle d’un corrobery ou grande danse. Au crépuscule ils allument des petits feux et les hommes commencent leur toilette, qui consiste à se couvrir le corps de lignes et de points blancs. Dès que tout est prêt, on active les feux, autour desquels s’assoient les femmes et les enfants pour assister au spectacle. Les deux tribus forment deux partis distincts qui dansent généralement l’un en face de l’autre. Cette danse consiste à courir de côté ou à marcher en file indienne en marquant le pas avec soin ; pour ce faire, ils frappent le sol du talon, poussent une espèce de grognement et frappent l’une contre l’autre leur massue et leur lance ; il est inutile d’ajouter qu’ils font d’autres gestes extraordinaires, ils étendent les bras et se contorsionnent le corps de toutes les façons possibles. C’est, en somme, un spectacle grossier et barbare et qui n’a pour nous aucune espèce de signification, mais nous observons que les femmes et les enfants y assistent avec le plus grand plaisir. Ces danses représentaient probablement, dans le principe, des actes bien définis, tels que des guerres et des victoires. Il y en a une appelée la danse de l’Émeu, pendant laquelle chaque homme étend le bras de manière à imiter la forme du cou de cet oiseau ; dans une autre, un homme imite les mouvements du kangourou, un second s’approche et semble lui porter un coup de lance.

Quand les deux tribus dansaient ensemble, le sol résonnait sous