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ILE MAURICE.

Rien de pittoresque comme le contraste des collines escarpées et des champs cultivés ; à chaque instant on est tenté de s’écrier : Comme je serais heureux de passer ma vie ici ! Le capitaine Lloyd possède un éléphant, il le met à notre disposition pour que nous puissions faire un voyage à la mode indienne. Le fait qui me surprend le plus, c’est que cet animal ne fasse aucun bruit en marchant. Cet éléphant est le seul qui se trouve actuellement dans l’île, mais on dit qu’on va en faire venir d’autres.

9 mai. — Nous quittons Port-Louis, nous faisons escale au cap de Bonne-Espérance, et, le 8 juillet, nous arrivons en vue de Sainte-Hélène. Cette île, dont on a si souvent décrit l’aspect désagréable, s’élève abruptement de l’Océan comme un immense château noir. Près de la ville, comme si on avait voulu compléter la défense naturelle, des forts et des canons remplissent tous les interstices des rochers. La ville s’élève dans une vallée plate et étroite ; les maisons ont une assez bonne apparence, et çà et là on trouve quelques arbres. Quand on approche du port, on voit un château irrégulier, perché sur le sommet d’une haute colline, entourée de quelques pins qui se détachent vigoureusement sur l’azur du ciel.

Le lendemain, je parviens à me loger à une très-petite distance du tombeau de Napoléon[1]. C’est une excellente situation centrale d’où je peux faire des excursions dans toutes les directions. Pendant les quatre jours que je reste ici, je consacre tous mes instants à visiter l’île entière, afin d’étudier son histoire géologique. La maison que j’habite est située à une altitude d’environ 2000 pieds. Il y fait froid, il y vente presque constamment, il tombe de fréquentes averses, et, de temps en temps, on se trouve enveloppé de nuages fort épais.

Auprès de la côte, la lave est tout à fait nue ; dans les parties centrales les plus élevées, les roches feldspathiques ont, par leur décomposition, produit un sol crayeux, qui affecte des couleurs brillantes partout où il n’est pas recouvert par la végétation. À cette époque de l’année, le sol, arrosé par des averses constantes, se recouvre de pâturages admirablement verts, qui se fanent et disparaissent à mesure que l’on descend. Il est fort surprenant de trou-

  1. Après les volumes qui ont été écrits à ce sujet, il est presque dangereux de parler même du tombeau. Un voyageur moderne donne en douze vers, à cette pauvre petite île, les épithètes suivantes : Tombeau, Pyramide, Cimetière, Sépulcre, Catacombes, Sarcophage, Minaret et Mausolée !