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SAINTE-HÉLÈNE.

ver une végétation ayant un caractère véritablement anglais par 16 degrés de latitude et à la petite altitude de 1 500 pieds. Des plantations irrégulières de pins écossais couronnent les collines, dont les flancs sont recouverts de buissons de bruyère portant de brillantes fleurs jaunes. On trouve de nombreux saules pleureurs sur le bord des ruisseaux, et les haies sont formées de cassis qui produisent leurs fruits bien connus. On s’explique d’ailleurs facilement le caractère anglais de la végétation quand on pense qu’il y a maintenant dans l’île sept cent quarante-six espèces de plantes, dont cinquante-deux seulement sont des espèces indigènes, et dont presque toutes les autres ont été importées d’Angleterre. Beaucoup de ces plantes anglaises paraissent pousser mieux que dans leur pays natal ; on peut faire la même remarque pour des plantes importées d’Australie. Les espèces importées ont dû détruire quelques espèces indigènes, car c’est seulement dans les vallées les plus élevées et les plus solitaires que domine aujourd’hui la flore indigène.

Des cottages nombreux, des petites maisons blanches, les unes enterrées au fond des plus profondes vallées, d’autres perchées sur la crête des plus hautes collines, donnent au paysage un caractère essentiellement anglais. On a quelques échappées de vues très-intéressantes, quand on se trouve, par exemple, auprès de l’habitation de Sir W. Doveton ; on aperçoit de là un pic hardi appelé le Lot, qui s’élève au-dessus d’une sombre forêt de pins, et auquel les montagnes rouges de la côte méridionale servent de repoussoir. Si on se place sur un point élevé et qu’on examine l’île, la première chose qui vous frappe, est le nombre des routes et des forts ; les travaux publics semblent hors de toute proportion avec l’étendue ou la valeur de l’île, si on oublie son caractère de prison. Il s’y trouve si peu de terre cultivable, qu’on éprouve quelque surprise à ce que cinq mille personnes puissent vivre dans cette île. Les classes inférieures, ou esclaves émancipés, sont, je crois, extrêmement pauvres ; on se plaint du manque de travail. La pauvreté a augmenté à cause du départ d’un très-grand nombre de fonctionnaires, et de l’émigration de presque tous les gens riches, dès que la Compagnie des Indes orientales a eu abandonné cette île. Les classes pauvres se nourrissent principalement de riz et d’un peu de viande salée ; or, comme aucun de ces articles n’est le produit de l’île, il faut les acheter en argent, et les salaires sont si minimes qu’il y a beaucoup de souffrances. Aujourd’hui que la