le jeune fou en éclatant, madame Dandolo ne sortira pas d’ici !
— Je me trompe, je dois me tromper, insista le comte : ce n’est pas vous, monsieur de Nareil, ce n’est pas vous qui parlez ainsi. La comtesse est libre, elle va me rejoindre, et nous partons à l’instant.
D’un geste impérieux, Armand éloigna les témoins de cette scène. Le comte était libre, mais désarmé. Une seule personne pouvait les entendre : c’était Carmenti, tapi derrière un platane ; sa connaissance avec les deux partis lui avait assuré une neutralité dont il usait largement pour le bien de tous, autant que cela dépendait de lui.
— Monsieur Dandolo, continua M. de Nareil, vous êtes le mari d’une femme que j’aime depuis dix ans, que j’ai poursuivie depuis dix ans, à travers tous les obstacles ; cette femme est en ma possession, vous venez la réclamer : que feriez-vous à ma place ?
— Je ferais ce que j’ai déjà fait, monsieur, je rendrais la liberté à mon rival.
— Et vous conserveriez Amaranthe ? Vous avez raison ! c’est ce que vous avez déjà fait. Partez donc, monsieur le comte ; mademoiselle de Sainte-Même, vos domestiques, vos bagages vous suivront où il plaira de vous faire conduire, avec un laisser-passer vous mettant à l’abri de toute inquiétude.