Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/323

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huttes avec leurs portes basses, ogivales, encerclées de blanc, marquées de croix à la chaux, et leurs volets assujettis par cette longue barre transversale qu’on ne voit que dans les pays de grand vent. Il avait pourtant l’air bien abrité, bien étouffé, bien calme, le petit bourg breton. On se serait cru à vingt lieues dans l’intérieur des terres. Tout à coup, en débouchant sur la place de l’Église, nous nous trouvons entourés d’une lumière éblouissante, d’une prise d’air gigantesque, d’un bruit de flots illimité. C’était l’océan, l’océan immense, infini, et son odeur fraîche et salée, et ce grand coup d’éventail que la marée montante dégage de chaque vague dans son élan. Le village s’avance, se dresse au bord du quai, la jetée continuant la rue jusqu’au bout d’un petit port où sont amarrées quelques barques de pêche. L’église dresse son clocher en vigie près des flots, et autour d’elle, dernière limite de ce coin de terre, le cimetière met des croix penchées, des herbes folles et son mur bas tout effrité où s’appuient des bancs de pierre.

On ne peut vraiment rien trouver de plus délicieux, de plus retiré que ce petit village perdu au milieu des rochers, intéressant par son double côté marin et pastoral. Tous pêcheurs ou laboureurs, les gens d’ici ont l’abord rude, peu engageant. Ils ne vous invitent pas à res-