Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tee chez eux, au contraire. Peu à peu, pourtant, ils s’humanisent, et l’on est étonné de voir sous ces durs accueils des êtres naïfs et bons. Ils ressemblent bien à leur pays, à ce sol rocailleux et résistant, si minéral, que les routes — même au soleil — prennent une teinte noire pailletée d’étincelles de cuivre et d’étain, La côte qui met à nu ce terrain pierreux est austère, farouche, hérissée. Ce sont des éboulements, des falaises à pic, des grottes creusées par la lame, où elle s’engouffre et mugit. Lorsque la marée se retire, on voit des écueils à perte de vue sortant des flots leurs dos de monstres, tout reluisants et blanchis d’écume, comme des cachalots gigantesques échoués.

Par un contraste singulier, à deux pas seulement du rivage, des champs de blé, de vigne ou de luzerne s’étendent coupés, séparés par de petits murs hauts comme des haies et verts de ronces. L’œil fatigué du vertige des hautes falaises, de ces abîmes où l’on descend avec des cordes scellées dans la pierre, des brisants écumeux, trouve un repos au milieu de l’uniformité des plaines, de la nature intime et familière. Le moindre détail rustique s’agrandit sur le fond glauque de la mer toujours présente au détour des sentiers, dans l’entre-deux des toits, l’ébrèchement des murs, au fond d’une ruelle. Le chant des coqs semble