Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/352

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cette guerre de 1866 entre la Prusse et les États du sud n’était qu’une guerre pour rire, et qu’en dépit de tout ce qu’on a pu nous dire, les loups de Germanie ne se mangent jamais entre eux.

Il n’y avait qu’à voir Munich pour s’en convaincre. Le soir où j’arrivai, un beau soir de dimanche plein d’étoiles, toute la ville était dehors. Une joyeuse rumeur confuse, aussi vague sous la lumière que la poussière soulevée aux pas de tous ces promeneurs, flottait dans l’air. Au fond des caves à bière voûtées et fraîches, dans les jardins des brasseries où des lanternes de couleur balançaient leurs lueurs sourdes, partout on entendait, mêlés au bruit des lourds couvercles retombant sur les chopes, les cuivres qui sonnaient en notes triomphales, et les soupirs des instruments de bois…

C’est dans une de ces brasseries harmoniques que je trouvai le colonel de Sieboldt, assis avec sa nièce, devant son éternel radis noir.

À la table à côté, le ministre des Affaires étrangères prenait un bock, en compagnie de l’oncle du roi. Tout autour, de bons bourgeois avec leurs familles, des officiers en lunettes, des étudiants à petites casquettes rouges, bleues, vert de mer, tous graves, silencieux, écoutaient religieusement l’orchestre de M. Gungel, et regardaient monter la fumée de leurs