Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/353

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pipes, sans plus se soucier de la Prusse que si elle n’existait pas. En me voyant, le colonel parut un peu gêné, et je crus m’apercevoir qu’il baissait la voix pour m’adresser la parole en français. Autour de nous, on chuchotait : « Frantzose… Frantzose… » Je sentais de la malveillance dans tous les yeux. — « Sortons ! » me dit M. de Sieboldt, et une fois dehors, je retrouvai son bon sourire d’autrefois. Le brave homme n’avait pas oublié sa promesse, mais il était très absorbé par le rangement de sa collection japonaise qu’il venait de vendre à l’État. C’est pour cela qu’il ne m’avait pas écrit. Quant à ma tragédie, elle était à Wurtzbourg, entre les mains de Mme  de Sieboldt, et pour arriver jusque-là, il me fallait une autorisation spéciale de l’ambassade française, car les Prussiens approchaient de Wurtzbourg, et l’on n’y entrait plus que très difficilement. J’avais une telle envie de mon Empereur aveugle, que je serais allé à l’ambassade le soir même, si je n’avais pas craint de trouver M. de Trévise couché…

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