Aller au contenu

Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


IV

le pays du bleu


Chose singulière ! Ces bons Bavarois, qui nous en voulaient tant de n’avoir pas pris parti pour eux dans cette guerre, n’avaient pas la moindre animosité contre les Prussiens. Ni honte des défaites, ni haine du vainqueur. — « Ce sont les premiers soldats du monde !… » me disait avec un certain orgueil l’hôtelier de la Grappe-Bleue, le lendemain de Kissingen, et c’était bien le sentiment général à Munich. Dans les cafés on s’arrachait les journaux de Berlin. On riait à se tordre aux plaisanteries du Kladderadatsch, ces grosses charges berlinoises aussi lourdes que le fameux marteau-pilon de l’usine Krupp, qui pèse cinquante mille kilogrammes. L’entrée prochaine des Prussiens n’étant plus un doute pour personne, chacun se disposait à bien les recevoir. Les brasseries s’approvisionnaient de saucisses, de quenelles. Dans les maisons bourgeoises, on préparait des chambres d’officiers…