Page:Daudet - Jack, I.djvu/332

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des souliers, des chapeaux, des foulards, cette pacotille ambulante qu’on trouve autour des camps, des casernes, des fabriques.

En passant à travers ces étalages, Jack crut voir une figure de connaissance, un sourire écartant les groupes pour arriver jusqu’à lui ; mais ce ne fut qu’un éclair, une vision emportée tout de suite par ce flot changeant de la foule en train de s’écouler dans la grande cité ouvrière, de se répandre jusque sur l’autre rive du fleuve, dans de longues barques, chargées, actives, nombreuses, comme pour le passage d’une armée.

Le soir tombait sur cette agitation de fourmilière dispersée. Le soleil descendait. Le vent fraîchissait, agitant les peupliers comme des palmes ; et c’était un spectacle grandiose que celui de l’île laborieuse entrant, elle aussi, dans son repos, rendue à la nature pour une nuit. À mesure que la fumée se dissipait, des masses de verdure apparaissaient entre les halles. On entendait le flot battre les rives ; et des hirondelles, qui rasaient l’eau avec de petits cris, tourbillonnaient autour des grandes chaudières alignées sur le quai.

La maison des Roudic était la première dans une longue file de bâtiments neufs rangés en caserne, sur une large rue derrière le château. Une très jeune femme, debout sur le seuil de la porte élevé de quelques marches, écoutait, la tête penchée, un grand diable accoudé à la muraille, et parlant avec beau-