Page:Daudet - Jack, I.djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coup d’animation. Jack croyait d’abord que c’était la fille de Roudic, mais il entendit le vieux contre-maître dire au chanteur :

— Regarde, voilà ma femme, qui est en train de faire une semonce à son neveu.

L’enfant se rappela que Labassindre lui avait appris en route que son frère s’était remarié quelques années auparavant. La femme était jeune, assez jolie, grande et souple, avec un air de douceur sur la figure, et je ne sais quoi de faible, d’abandonné, cette attitude penchée que donne à certaines femmes la fatigue d’une chevelure trop lourde. Contrairement à la mode bretonne, elle était nu-tête ; et sa jupe d’étoffe légère, son petit tablier noir la faisaient ressembler à la femme d’un employé et non à une paysanne ou à une ouvrière.

— Hein ?… crois-tu qu’elle est gentille ? disait Roudic qui s’était arrêté à quelques pas avec son frère et le poussait du coude, tout rayonnant de fierté.

— Mes compliments, mon cher, elle a encore embelli depuis son mariage.

Les autres continuaient à causer, si absorbés dans leur conversation, qu’ils ne voyaient rien, n’entendaient rien.

Alors le chanteur, quittant son sombrero avec un geste en rond, entonna en pleine rue d’une voix retentissante :

Salut, demeure chaste et pure,
Où se devine la présence…