Page:Daudet - Jack, I.djvu/359

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yeux disent : « Défendez-moi » dans la langueur de leur coquetterie. Et l’on voit que Zénaïde s’y entendait, à la défendre.

Jack avait compris dès les premiers temps que ces deux femmes avaient un secret entre elles. Il les aimait également toutes les deux. La gaîté de Zénaïde, faite de vaillance et de tranquillité d’âme, le charmait, tandis que madame Roudic, plus soignée, plus femme, flattait des habitudes de ses yeux, des instincts de son ancienne élégance. Il lui trouvait une ressemblance avec sa mère à lui. Pourtant, Ida était tout en dehors, vive, parleuse, pleine d’entrain, et celle-là une silencieuse réfléchie, une de ces femmes dont la rêverie fait d’autant plus de chemin que leur corps reste plus inactif. Puis elles n’avaient ni les mêmes traits, ni la même démarche, ni la même couleur de cheveux. N’importe, elles se ressemblaient ; et c’était une ressemblance intime comme celle qui résulterait d’un même parfum glissé dans les vêtements, d’un même pli dans les hasards de la parure, de quelque chose de plus subtil encore, qu’un habile chimiste de l’âme humaine aurait pu seul analyser.

Avec Clarisse et Zénaïde, l’apprenti se sentait plus à l’aise qu’avec Roudic, protégé par elles, par cette distinction, cet affinement qui dans les classes ouvrières met les mères et les filles au-dessus des pères et des maris. Quelquefois le dimanche, maintenant que le temps l’empêchait de sortir, il leur faisait la lecture.