Page:Daudet - Jack, I.djvu/360

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C’était dans la salle du rez-de-chaussée, une grande pièce ornée de cartes marines pendues au mur, d’une vue de Naples fortement coloriée, d’énormes coquillages, d’éponges durcies, de petits hippocampes desséchés, de tous ces accessoires exotiques que la mer voisine, les arrivages de bateaux déversent là-bas dans les intérieurs modestes. Des guipures faites à la main sur tous les meubles, un canapé et un fauteuil en velours d’Utrecht, complétaient ce luxe relatif. Le fauteuil surtout faisait la joie du père Roudic. Il s’y installait commodément pour écouter la lecture, pendant que Clarisse restait à sa place ordinaire près de la fenêtre, dans une pose d’attente et de mélancolie, et que Zénaïde, plaçant encore au-dessus du devoir religieux toutes les exigences de l’intérieur, profitait du dimanche, où l’on ne va pas en journée, pour raccommoder le linge de la maison, y compris les hardes bleues de l’apprenti.

Jack descendait de sa soupente avec un des livres du docteur, et l’on commençait la séance.

Dès les premières lignes, les yeux du bon Roudic papillotaient, s’ouvraient démesurément, puis fatigués de l’effort se refermaient tout à fait.

Elle faisait son désespoir, cette envie de dormir qui le prenait tout de suite, dans l’inaction, le bien-être de cette pose assise à laquelle il n’était pas habitué, envie de dormir encore accrue par le moelleux du fameux fauteuil. Il avait honte à cause de sa femme, et de