Page:Daudet - Jack, II.djvu/104

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mais celle-ci lui paraissait encore plus terrible, sans doute parce qu’il savait qu’il serait obligé de l’approcher à chaque instant et de lui fournir sa nourriture de nuit et de jour. Çà et là des thermomètres, des manomètres, une boussole, le cadran télégraphique par lequel arrivent les commandements, recevaient la lumière de grosses lampes à réflecteur.

Au bout de la chambre aux machines s’enfonçait un petit couloir, très étroit, très sombre. « Ici la soute au charbon… » dit Blanchet en montrant un trou béant dans le mur. À côté de ce trou il s’en trouvait un autre où un fanal éclairait quelques grabats, des hardes pendues. C’est là que couchaient les chauffeurs. Jack frémit à cette vue. Le dotoi Moronval, la mansarde des Roudic, tous ces abris de hasard où il avait dormi ses rêves d’enfant, étaient des palais en comparaison.

— « Et la chambre de chauffe, » ajouta le Moco en poussant une petite porte.

Imaginez une longue cave ardente, une allée des catacombes embrasée par le reflet rougeâtre d’une dizaine de fours en pleine combustion. Des hommes presque nus, activant le feu, fouillant les cendriers, s’agitaient devant ces brasiers qui congestionnaient leurs faces ruisselantes. Dans la chambre aux machines on étouffait. Ici l’on brûle.

— Voilà votre homme… dit Blanchet au chef de chauffe en lui présentant Jack.