Page:Daudet - Jack, II.djvu/188

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et la pluie, cahoté dans le cabriolet, je pensais avec joie que j’allais le trouver au coin de mon feu, je l’associais dans mon esprit à ce groupe lumineux qui m’attendait dans la nuit noire au bout du chemin. Ma femme résistait bien un peu à l’entraînement général, mais comme c’était une habitude de son caractère cette méfiance qu’elle avait adoptée pour faire contre-poids à mon laisser-aller, je n’y prenais pas garde.

Cependant notre malade commençait à se porter de mieux en mieux ; il aurait même été très bien en état de finir son hiver à Paris, mais il ne partait pas. Le pays semblait lui convenir, le retenir. Par quels liens ? Je ne songeais pas à me le demander.

Voici qu’un jour ma femme me dit :

— Écoute, Rivals, il faut que M. Nadine s’explique, ou qu’il ne vienne plus si souvent à la maison ; on commence à causer autour de nous par rapport à Madeleine.

— Madeleine !… Allons donc, quelle idée !

J’avais la naïve conviction que c’était pour moi que le comte restait à Étiolles, pour la partie de jacquet que nous faisions tous les soirs, pour nos longues causeries maritimes autour des grogs. Imbécile ! je n’aurais eu qu’à regarder ma fille sitôt qu’il entrait ; je n’aurais eu qu’à la voir changer de couleur, s’appliquer à sa broderie, rester muette quand il était là, se pencher à la fenêtre pour guetter son arrivée. Mais