Page:Daudet - Jack, II.djvu/225

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endormi, madame Weber, pour économiser le charbon et l’huile, venait travailler auprès de ses amis. Elle raccommodait les effets du petit, ceux de Bélisaire et du camarade. Il avait été convenu que le mariage ne se ferait qu’au printemps, l’hiver étant pour les pauvres plein de surcharges et d’inquiétudes. En attendant, les deux amoureux travaillaient courageusement l’un à côté de l’autre, ce qui est encore une façon de se faire la cour. C’était déjà le ménage à trois qu’ils projetaient ; mais il paraît que pour Bélisaire il y manquait encore quelque chose, car assis à côté de la porteuse de pains, il avait des attitudes mélancoliques, des soupirs sourds et rauques, comme les naturalistes ont remarqué que les grandes tortues d’Afrique en poussent sous leur lourde carapace pendant la saison des amours. De temps en temps, il essayait bien de prendre la main de madame Weber, de la garder un peu dans les siennes, mais elle trouvait que l’ouvrage en était retardé, et ils se contentaient de tirer leurs deux aiguilles en mesure, se parlant tout bas entre eux avec ce sifflement des grosses voix qui veulent se contenir.

Jack ne se retournait pas de peur de les gêner, et, tout en écrivant, il pensait : « Qu’ils sont heureux ! »

Lui n’était heureux que le dimanche, le jour d’Étiolles.

Jamais petite-maîtresse n’eut autant de soin d’elle que Jack n’en prenait lui-même le matin de ce