Page:Daudet - Jack, II.djvu/226

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grand jour, à la lueur de la lampe allumée dès cinq heures. Madame Weber lui préparait d’avance du linge blanc, son vêtement de monsieur bien étalé au dos d’une chaise. Et en avant le citron, la pierre ponce pour effacer les stigmates du travail. Il voulait que rien en lui ne rappelât le mercenaire qu’il était toute la semaine. C’est pour le coup que les ouvrières de chez Eysendeck l’auraient pris pour le prince Rodolphe, si elles l’avaient vu partir là-bas.

Journée délicieuse, sans heures, sans minutes, d’une félicité ininterrompue ! Toute la maison l’attendait, lui faisait accueil, le bon feu allumé dans la salle, les bouquets de verdure sur la cheminée, et la gaieté du docteur, et l’émotion de Cécile à qui la seule présence de son ami mettait sur tout le visage la rougeur d’un baiser épandu. Comme autrefois, quand ils étaient enfants, il prenait sa leçon devant elle, et le regard intelligent de la jeune fille l’encourageait, l’aidait à comprendre. M. Rivals corrigeait les devoirs de la semaine, les expliquait, en donnait d’autres, et le maître était en cela aussi courageux que l’élève, cette après-midi du dimanche, qu’à moins de visites imprévues le vieux médecin se gardait libre d’ordinaire, se trouvant presque exclusivement consacré à reprendre les livres de sa jeunesse pour les marquer, les annoter à l’usage d’un commençant. La leçon finie, quand le temps le permettait, on allait faire un tour dans la forêt, dépouillée, rouillée par les gelées, frissonnante