Page:Daudet - Jack, II.djvu/227

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et craquante, où couraient les lapins traqués et les chevreuils au découvert.

C’était là le meilleur moment du jour.

Le bon docteur, ralentissant le pas exprès, laissait passer devant lui les jeunes gens, au bras l’un de l’autre, alertes et vifs, tourmentés de confidences que sa bonhomie naïve gênait un peu. Il les eût mis trop vite à l’aise, et ils en étaient encore à ces heureuses minutes où l’amour est fait bien plus de divinations que de paroles. Pourtant ils se racontaient la semaine écoulée, mais avec de longs silences qui étaient comme la musique, l’accompagnement discret et passionné de cet opéra à deux voix.

Pour entrer dans cette partie de la forêt qu’on appelle le grand Sénard, on passait devant le chalet des Aulnettes, où le docteur Hirsch continuait à venir faire de temps en temps des expériences sur la thérapeutique des parfums. On eût dit qu’on brûlait là tous les baumes de la forêt et des champs, tellement la fumée montant du toit était épaisse et vous saisissait à la gorge par son âcreté aromatique.

— Ah ! ah !… L’empoisonneur est arrivé, disait M. Rivals aux enfants… La sentez-vous, sa cuisine du diable ?

Cécile voulait le faire taire :

— Prends garde, grand-père, il pourrait t’entendre.

— Eh ! qu’il m’entende… Est-ce que tu crois que j’ai peur de lui ?… Pas de danger qu’il bouge, va !