Page:Daudet - Jack, II.djvu/85

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— C’est inutile. On ne vous demande rien. Les huit cents francs qui manquent, je me charge de les remplacer. Je ne veux pas que cette enfant perde un sou de sa dot. Maintenant, il s’agit d’expliquer à Roudic comment l’argent avait disparu et comment il revient. Mettez-vous là et écrivez.

Il réfléchit un moment, pendant que le Nantais s’asseyait au bureau et prenait la plume. Clarisse avait relevé la tête. Elle attendait. C’était sa vie ou sa mort, cette lettre.

— Écrivez : Monsieur le directeur, c’est moi qui, dans un moment de folie, ai pris six mille francs dans l’armoire des Roudic…

Le Nantais fit un geste pour protester, mais il eut peur de Clarisse et laissa rétablir ainsi les faits dans toute leur vérité logique et cruelle.

« Des Roudic… » dit-il en répétant le dernier mot. Le directeur continua :

« … Voici l’argent… Je ne puis pas le garder. Il me brûle… Délivrez les malheureux que j’ai laissé soupçonner, et priez mon oncle de m’accorder son pardon. Dites-lui que je quitte l’usine et que je pars sans oser le revoir. Je reviendrai quand, à force de travail et de repentir, j’aurai gagné le droit de serrer la main d’un honnête homme… » Maintenant, la date… et signez…

Et voyant qu’il hésitait :

— Prenez garde, jeune homme. Je vous préviens