Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/159

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qui n’est pas celle que choisissent ordinairement les provinciaux pour venir s’amuser dans la capitale ». Elle les surveillait afin de s’assurer qu’ils ne se concertaient pas entre eux.

Une surveillance analogue s’exerçait à Bordeaux sur les individus qui, en 1799, avaient fait partie de l’Institut royaliste, organisé dans cette ville lorsque le comte de Provence entreprenait de remanier le personnel de ses agents de l’Ouest. Parmi ces suspects se trouvait le marquis Louis de La Rochejaquelein, dont Réal avait signalé au préfet de la Gironde les fréquents déplacements. En peu de jours le marquis devenait, à son insu, l’objet d’un espionnage. Un soir, un agent du commissaire général de police de Bordeaux se présentait au château de Citran en se disant marchand de vins. Vu l’heure de sa visite, on le retint à dîner. Il passa la soirée en compagnie de la famille de La Rochejaquelein et de divers invités. Il acquit ainsi la preuve que les absences du marquis étaient moins fréquentes qu’on ne le disait, et qu’en ce moment il se trouvait chez lui, ne songeant pas en sortir.

En fournissant ces renseignements à ses chefs, l’homme de police traçait un croquis du salon de Citran et des personnes qui s’y trouvaient en même temps que lui. L’une des dames de La Rochejaquelein, la veuve de Lescure, est « très agissante, caractère altier et impérieux ». Sa belle-sœur, femme du cadet des deux frères, « est douce et affable ». L’agent ayant dit qu’on était à la veille d’une guerre nouvelle, « on s’est réjoui en exprimant l’espoir que Napoléon serait vaincu ». Dans son rapport, il nomme au hasard de sa mémoire les invités présents : la baronne de Preuil, Mme  de Rauzan, M. de Pichon, M. de Courcy, ancien capitaine du Languedoc-infanterie, le marquis de Labadie, ancien garde