Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/428

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l’endroit où elle se trouvait, quand un homme replet, trapu, barbu, en bottes vernies, jaquette de velours dessinant une encolure de taureau, fit son entrée dans la lingerie.

« Té !… Cabassu…

— Vous ici, madame Françoise… En voilà une surprise, dit le masseur, écarquillant ses gros yeux de giaour de pendule.

— Mais oui, mon brave Cabassu, c’est moi… Je viens d’arriver… Et, comme tu vois, je suis déjà à l’ouvrage Ça me saignait l’âme de voir tout ce gâchis.

— Vous êtes donc venue pour la séance ?

— Quelle séance ?

— Mais la grande séance du Corps législatif… C’est aujourd’hui…

— Ma foi, non. Qu’est-ce que tu veux que cela puisse me faire ?… Je n’y comprendrais rien à cette chose-là… Non, je suis venue parce que j’avais envie de connaître mes petits Jansoulet, et puis que je commençais à être inquiète. Voilà plusieurs fois que j’écrivais sans recevoir de réponse. J’ai eu peur qu’il y eût un enfant malade, que Bernard fût mal dans ses affaires, toutes sortes de mauvaises idées. Il m’a pris un gros chagrin noir, et je suis partie… Ils vont tous bien ici, à ce qu’on m’a dit ?…

— Mais oui, madame Françoise… Grâce à Dieu, tout le monde se porte à merveille.

— Et Bernard ?… Son commerce ?… Ça marche comme il veut ?…

— Oh ! vous savez, on a toujours ses petits tracas dans la vie de ce monde… ; finalement, je crois qu’il n’a pas à se plaindre… Mais j’y songe, vous devez avoir faim… Je vas vous faire servir quelque chose. »