Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/429

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Il allait sonner, à l’aise et chez lui bien plus que la vieille mère. Elle le retint :

« Non, non, je n’ai besoin de rien. Il me reste encore des provisions du voyage. »

Sur le bord de la table elle posait deux figues, une croûte de pain, tirées de son panier, puis, tout en mangeant :

« Et toi, petit, tes affaires ?… Tu m’as l’air joliment requinqué depuis la dernière fois que tu es venu au Bourg… Quel linge, quels effets !… Dans quelle partie es-tu donc ?

— Professeur de massage… répondit Aristide gravement.

— Professeur, toi ?… » dit-elle avec un étonnement respectueux ; mais elle n’osa lui demander ce qu’il enseignait, et Cabassu, que ces questions embarrassaient un peu, se hâta de passer à un autre sujet :

« Si j’allais chercher les enfants… On ne leur a donc pas dit que leur grand-mère était là ?…

— C’est moi qui n’ai pas voulu les déranger de leur travail… Mais je crois que la classe est finie maintenant. Écoute… »

On entendait derrière la porte cette impatience piétinante des écoliers qui vont sortir, avides d’espace et d’air, et la vieille savourait ce joli train qui doublait son désir maternel, mais l’empêchait de rien faire pour en hâter le contentement… Enfin, la porte s’ouvrit… Le précepteur parut d’abord, un abbé au nez pointu, aux fortes pommettes, que nous avons vu figurer aux déjeuners d’apparat d’autrefois. Brouillé avec son évêque, l’ambitieux desservant avait quitté le diocèse où il exerçait, et, dans sa position précaire d’irrégulier du clergé, — car le clergé a sa bohème, lui aussi — se