Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/119

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— Bravo ! monsieur Daniel ! Je le savais bien, moi, qu’avec cet air-là vous ne pouviez pas être un mouchard. Aussi, pourquoi diable étiez-vous toujours fourré avec votre M. Viot ? Enfin on vous retrouve ; tout est oublié. Votre main ! Vous êtes un noble cœur ! Maintenant, à votre affaire ! Vous avez été insulté ? Bon ! Vous voulez en tirer réparation ? Très bien ! Vous ne savez pas le premier mot des armes ? Bon ! bon ! très bien ! très bien ! Vous voulez que je vous empêche d’être embroché par ce vieux dindon ? Parfait ! Venez à la salle, et, dans six mois, c’est vous qui l’embrocherez !

D’entendre cet excellent Roger épouser ma querelle avec tant d’ardeur, j’étais rouge de plaisir. Nous convînmes des leçons trois heures par semaine ; nous convînmes aussi du prix qui serait un prix exceptionnel (exceptionnel en effet ! j’appris plus tard qu’on me faisait payer deux fois plus cher que les autres). Quand toutes ces conventions furent réglées, Roger passa familièrement son bras sous le mien.

— Monsieur Daniel, me dit-il, il est trop tard pour prendre aujourd’hui notre première leçon ; mais nous pouvons toujours aller conclure notre marché au café Barbette. Allons ! voyons, pas d’enfantillage ! est-ce qu’il vous fait peur, par hasard, le café Barbette ?… Venez donc, sacrebleu ! tirez-vous un peu de ce saladier de cuistres. Vous trouverez là-bas des amis, de bons garçons, triple nom ! de nobles cœurs ! et vous quitterez vite