sique des rimes me grise et ma voix se raffermit. Assis devant la croisée, Jacques m’écoute, impassible. Derrière lui, dans l’horizon, se couche un gros soleil rouge qui incendie nos vitres. Sur le bord du toit, un chat maigre bâille et s’étire en nous regardant ; il a l’air renfrogné d’un sociétaire de la Comédie-Française écoutant une tragédie… Je vois tout cela du coin de l’œil sans interrompre ma lecture.
Triomphe inespéré ! À peine j’ai fini, Jacques enthousiasmé quitte sa place et me saute au cou :
— Oh ! Daniel ! que c’est beau ! que c’est beau ! Je le regarde avec un peu de défiance.
— Vraiment, Jacques, tu trouves ?…
— Magnifique, mon cher, magnifique !… Pense que tu avais toutes ces richesses dans ta malle et que tu n’en disais rien ! C’est incroyable !…
Et voilà ma mère Jacques qui marche à grands pas dans la chambre, parlant tout seul et gesticulant. Tout à coup, il s’arrête en prenant un air solennel :
— Il n’y a plus à hésiter : Daniel, tu es poète, il faut rester poète et chercher ta vie de ce côté-là.
— Oh ! Jacques, c’est bien difficile… Les débuts surtout. On gagne si peu.
— Bah ! je gagnerai pour deux, n’aie pas peur.
— Et le foyer, Jacques, le foyer que nous voulons reconstruire ?
— Le foyer ! je m’en charge. Je me sens de force à le reconstruire à moi tout seul. Toi, tu l’illustreras,