et tu penses comme nos parents seront fiers de s’asseoir à un foyer célèbre !…
J’essaie encore quelques objections ; mais Jacques a réponse à tout. Du reste, il faut le dire, je ne me défends que faiblement. L’enthousiasme fraternel commence à me gagner. La foi poétique me pousse à vue d’œil, et je me sens déjà par tout mon être un prurigo lamartinien… Il y a un point, par exemple, sur lequel Jacques et moi nous ne nous entendons pas du tout. Jacques veut qu’à trente-cinq ans j’entre à l’Académie française. Moi, je m’y refuse énergiquement. Foin de l’Académie ! C’est vieux, démodé, pyramide d’Égypte en diable.
— Raison de plus pour y entrer, me dit Jacques. Tu leur mettras un peu de jeune sang dans les veines, à tous ces vieux Palais-Mazarin… Et puis madame Eyssette sera si heureuse, songe donc !
Que répondre à cela ? Le nom de madame Eyssette est un argument sans réplique. Il faut se résigner à endosser l’habit vert. Va donc pour l’Académie ! Si mes collègues m’ennuient trop, je ferai comme Mérimée, je n’irai jamais aux séances.
Pendant cette discussion, la nuit est venue, les cloches de Saint-Germain carillonnent joyeusement, comme pour célébrer l’entrée de Daniel Eyssette à l’Académie française. — « Allons dîner, » dit ma mère Jacques ; et, tout fier de se montrer avec un académicien, il m’emmène dans une crémerie de la rue Saint-Benoît.
C’est un petit restaurant de pauvres, avec une table d’hôte au fond pour les habitués. Nous man-