Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/322

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enfin découvert. Cette lettre courte et sans phrases, lui apprenait la disparition de Daniel.

En la lisant, Jacques devina tout. Il se dit : « L’enfant fait des bêtises… Il faut que j’y aille. » Et sur le champ il demanda un congé au marquis.

— Un congé ! fit le bonhomme en bondissant… Êtes-vous fou ?… Et mes mémoires ?…

— Rien que huit jours, monsieur le marquis, le temps d’aller et de revenir ; il y va de la vie de mon frère.

— Je me moque pas mal de votre frère… Est-ce que vous n’étiez pas prévenu, en entrant ? Avez-vous oublié nos conventions ?

— Non, monsieur le marquis, mais…

— Pas de mais qui tienne. Il en sera de vous comme des autres. Si vous quittez votre place pour huit jours, vous n’y rentrerez jamais. Réfléchissez là-dessus, je vous prie… et tenez ! pendant que vous faites vos réflexions, mettez-vous là. Je vais dicter.

— C’est tout réfléchi, monsieur le marquis. Je m’en vais.

— Allez au diable.

Sur quoi l’intraitable vieillard prit son chapeau et se rendit au consulat français pour s’informer d’un nouveau secrétaire.

Jacques partit le soir même.

En arrivant à Paris, il courut rue Bonaparte. « Mon frère est là-haut ? » cria-t-il au portier qui fumait sa pipe dans la cour, à califourchon sur la