Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/328

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celles de l’abbé Germane ; lorsqu’il entendit sonner les bonnes cloches de Saint-Germain un peu enrouées par le brouillard, lorsque l’angélus du soir — cet angélus mélancolique que Daniel aimait tant — vint battre de l’aile contre les vitres humides ; ce que la mère Jacques souffrit, une mère seule pourrait le dire…

Il fit deux ou trois fois le tour de la chambre, regardant partout, ouvrant toutes les armoires, dans l’espoir de trouver quelque chose qui le mît sur la trace du fugitif. Mais hélas ! les armoires étaient vides. On n’avait laissé que du vieux linge, des guenilles. Toute la chambre sentait le désastre et l’abandon. On n’était pas parti, on s’était enfui. Il y avait dans un coin, par terre, un chandelier, et dans la cheminée, sous un monceau de papier brûlé, une boîte blanche à filets d’or. Cette boîte, Il la reconnut. C’était là qu’on mettait les lettres des yeux noirs. Maintenant il la retrouvait dans les cendres. Quel sacrilège !

En continuant ses recherches, il dénicha dans un tiroir de l’établi quelques feuillets couverts d’une écriture irrégulière, fiévreuse, l’écriture de Daniel quand il était inspiré. — « C’est un poème sans doute », se dit la mère Jacques en s’approchant de la fenêtre pour lire. C’était un poème en effet, un poème lugubre, qui commençait ainsi :

« Jacques, je t’ai menti. Depuis deux mois, je ne fais que te mentir… » Suivait une longue lettre que le lecteur se rappelle sans doute, et dans laquelle le petit Chose racontait ce que la femme