Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/356

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lui expliquer comment le professeur de Sarlande était venu dans cette chambre de mort.

On se souvient peut-être que le jour où le petit Chose quittait le collège, l’abbé Germane lui avait dit : « J’ai bien un frère à Paris, un brave homme de prêtre… mais baste ! à quoi bon te donner son adresse ?… Je suis sûr que tu n’irais pas. » Voyez un peu la destinée ! Ce frère de l’abbé était curé de l’église Saint-Pierre à Montmartre, et c’est lui que la pauvre mère Jacques avait appelé à son lit de mort. Juste à ce moment, il se trouvait que l’abbé Germane était de passage à Paris et logeait au presbytère… Le soir du 4 décembre, son frère lui dit en entrant :

— Je viens de porter l’extrême-onction à un malheureux enfant qui meurt tout près d’ici. Il faudra prier pour lui, l’abbé !

L’abbé répondit : — J’y penserai demain, en disant ma messe. Comment s’appelle-t-il ?…

— Attends… c’est un nom du Midi, assez difficile à retenir… Jacques Eysset… Oui, c’est cela… Jacques Eyssette… Jacob Eysseta…

Ce nom d’Eyssette rappela à l’abbé certain petit pion de sa connaissance ; et sans perdre une minute il courut à l’hôtel Pilois… En rentrant, il m’aperçut debout, cramponné à la main de Jacques. Il ne voulut pas déranger ma douleur et renvoya tout le monde en disant qu’il veillerait avec moi ; puis il s’agenouilla, et ce ne fut que fort avant dans la nuit qu’effrayé de mon immobilité, il me frappa sur l’épaule et se fit connaître…