Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/374

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joli vin blanc de Touraine. Maintenant on est au salon, tous réunis. Il fait bon ; la cheminée flambe. Sur les vitres chargées de givre, le soleil fait des paysages d’argent.

Devant la cheminée, le petit Chose, assis sur un tabouret aux pieds de la pauvre aveugle assoupie, cause à voix basse avec mademoiselle Pierrotte plus rouge que la petite rose rouge qu’elle a dans les cheveux. Cela se comprend, elle est si près du feu !… De temps en temps, un grignotement de souris, — c’est la tête d’oiseau qui becquette dans un coin ; ou bien un cri de détresse, — c’est la dame de grand mérite qui est en train de perdre au bésigue l’argent de l’herboristerie. Je vous prie de remarquer l’air triomphant de madame Lalouette qui gagne, et le sourire inquiet du joueur de flûte, — qui perd.

Et M. Pierrotte ?… Oh ! M Pierrotte n’est pas loin… Il est là-bas dans l’embrasure de la fenêtre, à demi caché par le grand rideau jonquille, et se livrant à une besogne silencieuse qui l’absorbe et le fait suer. Il a devant lui, sur un guéridon, des compas, des crayons, des règles, des équerres, de l’encre de Chine, des pinceaux, et enfin une longue pancarte de papier à dessin qu’il couvre de signes singuliers… L’ouvrage a l’air de lui plaire. Toutes les cinq minutes, il relève la tête, la penche un peu de côté et sourit à son barbouillage d’un air de complaisance.

Quel est donc ce travail mystérieux ?

Attendez ; nous allons le savoir… Pierrotte a