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de l’estrade ; les élèves sautaient par-dessus les bancs pour rejoindre leurs familles. On s’embrassait, on s’appelait : « Par ici ! par ici ! » Les sœurs des lauréats s’en allaient fièrement avec les couronnes de leurs frères. Les robes de soie faisaient froufrou à travers les chaises… Immobile derrière un arbre, le petit Chose regardait passer les belles dames, tout malingre et tout honteux dans son habit râpé.

Peu à peu la cour se désemplit. À la grande porte, le principal et M. Viot se tenaient debout, caressant les enfants au passage, saluant les parents jusqu’à terre.

« À l’année prochaine, à l’année prochaine ! » disait le principal avec un sourire câlin… les clefs de M. Viot tintaient, pleines de caresses « Frinc ! frinc ! frinc ! Revenez-nous l’année prochaine. »

Les enfants se laissaient embrasser négligemment et franchissaient l’escalier d’un bond.

Ceux-là montaient dans de belles voitures armoriées, où les mères et les sœurs rangeaient leurs grandes jupes pour faire place. Clic ! clac !… en route vers le château !… Nous allons revoir nos parcs, nos pelouses, l’escarpolette sous les acacias, les volières pleines d’oiseaux rares, la pièce d’eau avec ses deux cygnes, et la grande terrasse à balustres où l’on prend des sorbets le soir.

D’autres grimpaient dans les chars à banc de famille, à côté de jolies filles riant à belles dents sous leurs coiffes blanches. La fermière conduisait