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LETTRES DE MON MOULIN.

maient là dans une chaleur malsaine et lourde. Et des mouches ! des mouches ! jamais je n’en avais tant vu : sur le plafond, collées aux vitres, dans les verres, par grappes… Quand j’ouvris la porte, ce fut un bourdonnement, un frémissement d’ailes comme si j’entrais dans une ruche.

Au fond de la salle, dans l’embrasure d’une croisée, il y avait une femme debout contre la vitre, très occupée à regarder dehors. Je l’appelai deux fois :

— Hé ! l’hôtesse !

Elle se retourna lentement, et me laissa voir une pauvre figure de paysanne, ridée, crevassée, couleur de terre, encadrée dans de longues barbes de dentelle rousse comme en portent les vieilles de chez nous. Pourtant ce n’était pas une vieille femme ; mais les larmes l’avaient toute fanée.

— Qu’est-ce que vous voulez ? me demanda-t-elle en essuyant ses yeux.

— M’asseoir un moment et boire quelque chose…

Elle me regarda très étonnée, sans bouger