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LES DEUX AUBERGES.

de sa place, comme si elle ne comprenait pas.

— Ce n’est donc pas une auberge ici ?

La femme soupira :

— Si… c’est une auberge, si vous voulez… Mais pourquoi n’allez-vous pas en face comme les autres ? C’est bien plus gai…

— C’est trop gai pour moi… J’aime mieux rester chez vous.

Et, sans attendre sa réponse, je m’installai devant une table.

Quand elle fut bien sûre que je parlais sérieusement, l’hôtesse se mit à aller et venir d’un air très affairé, ouvrant des tiroirs, remuant des bouteilles, essuyant des verres, dérangeant les mouches… On sentait que ce voyageur à servir était tout un événement. Par moments la malheureuse s’arrêtait, et se prenait la tête comme si elle désespérait d’en venir à bout.

Puis elle passait dans la pièce du fond ; je l’entendais remuer de grosses clefs, tourmenter des serrures, fouiller dans la huche au pain, souffler, épousseter, laver des