Page:Daudet - Lettres de mon moulin.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
242
LETTRES DE MON MOULIN.

assiettes. De temps en temps, un gros soupir, un sanglot mal étouffé…

Après un quart d’heure de ce manège, j’eus devant moi une assiettée de passerilles (raisins secs), un vieux pain de Beaucaire aussi dur que du grès, et une bouteille de piquette.

— Vous êtes servi, dit l’étrange créature, et elle retourna bien vite prendre sa place devant la fenêtre.




Tout en buvant, j’essayai de la faire causer.

— Il ne vous vient pas souvent du monde, n’est-ce pas, ma pauvre femme ?

— Oh ! non, monsieur, jamais personne… Quand nous étions seuls dans le pays, c’était différent : nous avions le relais, des repas de chasse pendant le temps des macreuses, des voitures toute l’année… Mais depuis que les voisins sont venus s’établir, nous avons tout perdu… Le monde aime mieux aller en