Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/124

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Il y alla, se mit en faction dans la grande salle du premier étage animée, à l’heure des trains parlementaires, d’une physionomie bien à part. Députés, sénateurs, ministres, journalistes, la gauche, la droite, tous les partis se coudoyaient là, aussi bariolés, aussi nombreux que les placards, bleus, verts, rouges, couvrant les murs, et criaient, chuchotaient, se surveillaient de groupe à groupe, l’un s’écartant pour ruminer son prochain discours, un autre, orateur de couloirs, ébranlant les vitres des éclats d’une voix que la Chambre ne devait jamais entendre. Accents du Nord et du Midi, opinions et tempéraments divers, fourmillement d’ambitions et d’intrigues, piétinante rumeur de foule fiévreuse, la politique était bien à sa place dans cette incertitude de l’attente, ce tumulte du voyage à heure fixe, qu’un coup de sifflet précipitait sur des perspectives de rails, de disques, de locomotives, sur un sol mouvant, plein d’accidents et de surprises.

Au bout de cinq minutes, Valmajour voyait arriver, appuyé au bras d’un secrétaire chargé de son portefeuille, Numa Roumestan, le pardessus large ouvert, la face épanouie, tel qu’il lui était apparu le premier jour sur l’estrade des Arènes, et, de loin, il reconnaissait sa voix, ses bonnes paroles, ses protestations d’amitié… « Comptez-y… fiez-vous à moi… C’est comme si vous l’aviez… »

Le ministre était alors dans la lune de miel du pouvoir. En dehors des hostilités politiques, souvent moins violentes dans le parlement qu’on pourrait le croire, rivalité de beaux parleurs, querelles